Ancien coiffeur devenu artiste des mots
»
Enfance et débuts au cinéma
Né le 1er novembre 1951, Fabrice LUCHINI fait ses débuts
au cinéma dans Tout peut arriver, de Philippe LABRO,
en 1970. Mais c'est en 1990, avec La discrète, que sa
rénommée et son talent éclatent. Il débute
en fait au cinéma par hasard. Philippe LABRO le repère
dans une boite de nuit."Lors d'un repérage pour
mon film dans un drugstore d'Angoulème, j'ai remarqué
un garçon un peu androgyne qui se déhanchait devant
un juke-box. Un elfe drôle et éclectique, avec
un sens inouï de la répartie. A l'époque, il était
plus dans l'apparence que dans la substance, mais avec ce don
inné de faire de vous, presque automatiquement, son spectateur."
Dernier de trois garçons, fils d'un immigré italien
vendeur de fruits et légumes, le petit Robert préfère
la rue à l'école, la rue où il déclame
ses premiers mots. A 13 ans, après le certificat d'études,
sa mère le place chez un coiffeur des beaux quartiers
parisiens. Il sera rebaptisé Fabrice, " pour gommer
ses origines faubouriennes".
»
Un autodidacte
Ses débuts au cinéma connaissent des hauts de
bas. Il alterne rôles et petits boulots, livreur notamment. Il
apprend aussi. N'ayant jamais fait d'études secondaires,
il découvre Nietsche, Céline... " N'étant
jamais entré dans le secondaire, j'ai tout rattrapé
plus tard, grâce à une fiancée merveilleuse
qui avait une copine guitariste. On approchait de 1968, Joan
Baez et Bob Dylan étaient à la mode, on chantait
dans les rues, je les suivais sous des lampadaires, c'était
très poétique. Et comme cette fille était
très branchée sur la psychanalyse, elle m'a
tout donné : "Totem et Tabou", "Malaise
dans la civilisation", "Introduction à la
psychanalyse", mais aussi "Zarathoustra" et
tous ses bouquins de lycée. Car je ne savais même
pas ce qu'était une amibe...Je partais de zéro
en lisant les livres de 6ème, de 5ème...J'avais
ce besoin de tout rattraper, de tout dévorer. Je me
livrais à ce plaisir lyrique dans la maison de campagne
de mon amie, à Septeuil, sous les arbres, c'était
divin. Mais je pensais que j'allais enfin pouvoir faire mon
entrée dans les milieux mondains et culturels... "
»
1990, année de la révélation
Après ce 1er film, il enchaîne avec Le Genou de
Claire, de Rohmer dont il deviendra l'acteur fétiche. Mais
Fabrice LUCHINI n'est pas très sûr de lui. Un de
ses amis le pousse à prendre des cours de théâtre,
et c'est la révélation, sous la direction de J.L.
COCHET. Le théâtre devient pour lui " le
seul lieu où s'exprimait la vie, la nourriture de la
vie, ce qu'aucune école n'enseignera jamais ".
Et en 1990, grâce au succès de La Discrète,
où il joue le rôle d un personnage "immonde ", sa carrière décolle. Il alterne alors
les films d'auteurs et les grosses productions, de Riens du
Tout de C. KLAPISCH à Beaumarchais l'insolent, de Molinaro,
en passant par les films de LELOUCH et BONITZER. Sa vocation
éclate. Et pourtant, " je ne peux vraiment pas
parler de vocation. Honnêtement, quand j'ai fait mes deux
premiers films, je ne savais même pas ce que ça
voulait dire. La vocation, l'appel pour le métier d'acteur,
ce n'était pas dans les données de mon milieu
familial. Je n'avais ni ce chic ni ce luxe. Mon vrai plaisir
est de faire rire. Ou d'inquiéter aussi quand je joue
Voyage au bout de la nuit. Là, je ne fais
rire que quand le texte le demande. Je hais les rajouts. Je
ne crois pas qu'on puisse tout faire, je me méfie du
contre-emploi. En chacun, il y a une partie féminine
et une partie masculine, une partie ambigüe, sexualisée,
inquiète, enfantine et mûre à la fois.
Il n'y a pas d'acteur type. Quand je joue au théâtre,
je fais un travail énorme sur le silence."
»
L'artiste des mots
Fabrice LUCHINI a besoin du théâtre, pour se dépasser,
aller plus loin, et pouvoir ainsi composer de vrais rôles
au cinéma. Il est avant tout un homme de théâtre.
" Il n'y a qu'un endroit où tu peux travailler,
c'est la scène". Preuve en est le succès
de son spectacle en 1999 où il déclame
les vers et proses de La Fontaine, Baudelaire, Céline,
Nietzsche, devant un public hypnothisé par le talent
de l'artiste qui fait revivre ces écrivains. Pour conclure,
il aime à citer Michel BOUQUET : " N'oublie pas
que les spectateurs ne viennent pas pour te regarder jouer.
Le public vient pour jouer avec toi"... et "Un spectacle
est réussi quand le public sort renseigné sur
lui-même". Un dernier mot: la beauté d'un
texte le rend heureux.
page actualisée le 19.03.05